Lanceurs d'alerte : mise en place de la règlementation au niveau de votre entreprise !
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Contexte
La transposition de la directive européenne sur les lanceurs d’alerte dans la législation belge avait accusé un certain retard. Cette dernière a finalement été publiée le 16 décembre 2022 au Moniteur belge.
Dieselgate, LuxLeaks, Football Leaks : autant de scandales qui ont émaillé l’actualité ces dernières années.
Il est notamment apparu à cette occasion que les personnes travaillant pour un organisme public ou privé ou en contact avec cet organisme dans le cadre d’activités professionnelles sont souvent les premières à être au courant de certaines menaces ou dommages pour l’intérêt général.
La directive européenne (UE) 2019/1937 du Parlement européen sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union visent à permettre aux lanceurs d’alerte (personnes qui exposent au grand jour des abus dans leur (ancienne) entreprise) de signaler des violations du droit de l'Union.
L’objectif de la législation est également d’établir des normes minimales communes contribuant à un haut niveau de protection qui encouragerait les lanceurs d’alerte à ne pas faire marche arrière par peur d’éventuelles représailles et autres conséquences fâcheuses.
Transposition dans la législation belge
Champ d'application
Champ d’application matériel
Toute personne qui signale une violation dans les domaines ci-dessous bénéficie d'une protection :
- Marchés publics ;
- Services, produits et marchés financiers et prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ;
- Sécurité et conformité des produits ;
- Sécurité des transports ;
- Protection de l’environnement ;
- Radioprotection et sûreté nucléaire ;
- Sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale, santé et bien-être des animaux ;
- Santé publique ;
- Protection des consommateurs ;
- Protection de la vie privée et des données à caractère personnel et sécurité des réseaux et des systèmes d’information ;
- Lutte contre la fraude fiscale ;
- Lutte contre la fraude sociale ;
- Intérêts financiers de l’Union européenne ;
- Violations relatives au marché intérieur européen.
Certains domaines sont toutefois expressément exclus du champ d'application. Pensez notamment aux informations relatives à la sécurité nationale, aux informations classifiées et aux informations couvertes par le secret médical.
Champ d'application personnel
La législation sur les lanceurs d’alerte s’applique aux auteurs de signalement travaillant dans le secteur privé qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel. La limitation au contexte professionnel ne s’applique pas pour les violations en matière de services, produits et marchés financiers et de sécurité nationale.
Nous pensons notamment ici aux travailleurs salariés, fonctionnaires, volontaires, indépendants et toute autre personne travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de sous-traitants et de fournisseurs.
La réglementation s’applique également aux situations dans lesquelles les informations sur les violations ont été obtenues par des auteurs de signalement dans le cadre d’une relation de travail qui a pris fin ou lors d'une phase précontractuelle.
La protection ne vise pas uniquement les lanceurs d’alerte. Les facilitateurs et tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement relèvent également de son champ d’application à certaines conditions.
Mise en place d’un canal de signalement interne
La législation sur les lanceurs d’alerte impose aux entreprises du secteur privé d'au moins 50 travailleurs de mettre en place un canal de signalement interne.
Le terme « entreprise » vise l’entité juridique.
La restriction ne s’applique pas aux entreprises suivantes :
- Entreprises actives dans le secteur financier ;
- Entreprises actives dans la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
Les entreprises de plus de 250 travailleurs doivent en outre permettre les signalements anonymes.
Mode de signalement
Un lanceur d’alerte peut choisir de signaler une violation par écrit ou oralement.
Signalement interne
S’il communique des informations sur la violation oralement ou par écrit au sein de l’entreprise, on parle de signalement interne.
Après concertation avec les partenaires sociaux, des canaux et procédures doivent être mis en place pour le signalement interne et son suivi.
Il convient en outre de désigner une personne ou un service impartial compétent pour assurer le suivi des signalements dans des délais déterminés.
Les canaux de signalement peuvent soit être gérés en interne par le gestionnaire de signalement, soit être mis à la disposition d’un tiers en externe. Dans les deux cas, l’entité juridique du secteur privé restera responsable du traitement des données à caractère personnel.
Les entités juridiques du secteur privé comptant moins de 250 travailleurs peuvent partager des ressources en ce qui concerne la réception des signalements et les enquêtes éventuelles à mener. Les obligations de préserver la confidentialité, de fournir un retour d’informations et de remédier à la violation signalée restent toujours d’application dans ce cadre.
La législation décrit minutieusement les conditions et la procédure à suivre pour le signalement interne.
L’accent y est notamment mis sur la protection de la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement.
Un accusé de réception du signalement doit par ailleurs toujours être envoyé à l’auteur du signalement dans les 7 jours après sa réception.
Signalement externe
Le lanceur d’alerte peut aussi opter pour un signalement externe. Il communiquera dans ce cas les informations oralement ou par écrit au coordinateur fédéral ou aux autorités compétentes.
Le lanceur d’alerte peut choisir d’opter d’abord pour un canal de signalement interne avant le signalement externe.
Les autorités compétentes pour recevoir les signalements, fournir un retour d’informations et assurer un suivi des signalements ont été désignées dans un arrêté royal.
Il s'agit plus concrètement des services suivants :
- Service public fédéral Économie, PME, Classes moyennes et Énergie ;
- Service public fédéral Finances ;
- Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement ;
- Service public fédéral Mobilité et Transports ;
- Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale ;
- Service public de programmation Intégration sociale, Lutte contre la pauvreté, Économie sociale et Politique des grandes villes ;
- Agence fédérale de contrôle nucléaire ;
- Agence fédérale des médicaments et des produits de santé ;
- Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire ;
- Autorité belge de la concurrence ;
- Autorité de protection des données ;
- Autorité des services et marchés financiers ;
- Banque nationale de Belgique ;
- Collège de supervision des réviseurs d’entreprises ;
- Autorités visées à l’article 85 de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces ;
- Comité national de sécurité pour la fourniture et la distribution d’eau potable ;
- Institut belge des services postaux et des télécommunications ;
- Institut national d’assurance maladie-invalidité ;
- Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants ;
- Office national de l’emploi ;
- Office national de sécurité sociale ;
- Service d’information et de recherche sociale ;
- Service autonome de coordination anti-fraude (CAF) ;
- Contrôle de la navigation.
En l’absence de désignation ou si aucune autorité ne s’estime compétente pour recevoir un signalement, les médiateurs fédéraux agissent en qualité d’autorité compétente pour l’application de cette loi.
La législation définit plusieurs critères auxquels les canaux de signalement externes doivent satisfaire pour être considérés comme indépendants et autonomes.
Les médiateurs fédéraux sont chargés de la coordination des signalements externes dans le secteur privé.
Les entités juridiques du secteur privé, les autorités compétentes et le coordinateur fédéral tiennent un registre de tous les signalements reçus.
Les signalements sont conservés pendant la durée de la relation contractuelle.
Divulgation publique
Le lanceur d’alerte peut enfin opter pour une divulgation publique. Cette dernière peut notamment prendre la forme d’un blog ou d’un contact avec la presse. La divulgation publique ne peut cependant avoir lieu que dans certains cas, p. ex. lorsqu’un signalement interne ou externe a d'abord eu lieu sans réponse appropriée.
Conditions de protection
Personnes qui signalent les violations
Les auteurs de signalement entrent en ligne de compte pour la protection :
- s’ils ont eu des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et que ces informations entraient dans le champ d’application de la cette loi (la situation sera appréciée sur base du principe de bon père famille) ;
- s’ils ont effectué un signalement soit interne, soit externe conformément aux dispositions légales.
L’auteur du signalement ne perd pas le bénéfice de la protection au seul motif que le signalement effectué de bonne foi s’est avéré inexact ou infondé.
Les personnes qui ont signalé ou divulgué publiquement des informations sur des violations de manière anonyme, mais qui sont identifiées par la suite et font l’objet de représailles, bénéficient également de la protection si les 2 conditions ci-dessus sont remplies.
Les personnes qui signalent auprès des institutions, organes ou organismes de l’Union compétents des violations relevant du champ d’application de cette loi bénéficient de la protection prévue par la loi dans les mêmes conditions que les personnes qui effectuent un signalement externe.
Les facilitateurs et tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement bénéficient aussi de cette protection à certaines conditions.
Personnes qui optent pour une divulgation publique
Les personnes qui optent pour une divulgation publique entrent en ligne de compte pour la protection si elles remplissent l’une des conditions suivantes :
- La personne a d’abord effectué un signalement interne et externe, ou a effectué directement un signalement externe, mais aucune mesure appropriée n’a été prise en réponse au signalement dans les délais impartis ;
- La personne a des motifs raisonnables de croire :
- que la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public ;
- qu’en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu’une autorité peut être en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation.
Il n’existe pas de critères particuliers si la divulgation publique à la presse s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression.
Portée de la protection
Interdiction de représailles
Si leur signalement satisfait aux conditions prévues, les lanceurs d’alerte sont protégés contre les menaces de représailles et tentatives de représailles, et plus précisément contre les formes suivantes :
- Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ;
- Rétrogradation ou refus de promotion ;
- Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail ;
- Suspension de la formation ;
- Évaluation de performance ou attestation de travail négative ;
- Mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ;
- Coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme ;
- Discrimination, traitement désavantageux ou injuste ;
- Non-conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ;
- Non-renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail temporaire ;
- Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ;
- Mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité ;
- Résiliation anticipée ou annulation d’un contrat relatif à la fourniture de biens ou la prestation de services ;
- Annulation d’une licence ou d’un permis ;
- Orientation vers un traitement psychiatrique ou médical.
À certaines conditions, les mesures de protection s’appliquent également aux personnes qui sont en lien avec l’auteur du signalement et qui pourraient faire l’objet de représailles dans un contexte professionnel.
Mesures de protection contre les représailles
Si l’employeur néglige l’interdiction de représailles ou de traitement désavantageux et ne peut pas apporter la preuve du contraire :
- le travailleur peut demander des dommages et intérêts conformément au droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ; cette indemnisation étant fixée entre 18 et 26 semaines de salaire ;
- la victime de représailles qui n’est pas salariée peut exiger une indemnisation correspondant au préjudice réel subi, l’étendue de ce dernier devant dans ce cas être prouvée.
- Si l’employeur licencie le travailleur, l’indemnisation sera ajoutée au délai de préavis ou à l’indemnité de rupture à respecter.
Des modalités spécifiques sont d’application pour le signalement de violations ayant trait au secteur financier et à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
Les indemnités susmentionnées ne peuvent pas être cumulées avec l’indemnité prévue en cas de licenciement manifestement déraisonnable par la CCT n° 109 du 12 février 2014 concernant la motivation du licenciement, conformément à l’article 9, § 3 de ladite CCT.
Les lanceurs d’alerte doivent aussi avoir accès aux mesures de soutien, voies de recours et possibilités d'indemnisation nécessaires s’ils sont victimes de représailles.
Entrée en vigueur
La date d’entrée en vigueur de la réglementation diffère selon la taille de l’entreprise.
Les entreprises occupant moins de 50 travailleurs ne relèvent pas de son champ d’application et ne doivent donc pas prévoir de canal de signalement.
Attention ! Les entreprises du secteur financier et du secteur de la prévention du blanchiment de capitaux doivent cependant toujours mettre en place un canal interne.
Les entreprises d’au moins 250 travailleurs doivent prévoir, pour le 15 février 2023 au plus tard, un canal de signalement interne et permettre un signalement et un traitement anonymes.
Les entreprises de 50 à 249 travailleurs doivent prévoir un canal de signalement interne pour le 17 décembre 2023 au plus tard. Elles doivent en outre tenir un registre de tous les signalements reçus.
Le nombre de travailleurs est calculé sur base de la moyenne des travailleurs occupés dans l’entité juridique selon les règles de calcul pour les élections sociales. Il est calculé sur base des 4 trimestres précédant le trimestre concerné.
Des questions ?
Vous voulez vous atteler concrètement à cette obligation ? Vous souhaitez en savoir plus ? Participez à notre webinaire « Réglementation sur les lanceurs d’alerte : il est temps d’agir ! ».
Source(s) :
- Loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l'Union ou au droit national constatées au sein d'une entité juridique du secteur privé, M.B. 15 décembre 2022 ;
- Arrêté royal du 22 janvier 2023 portant désignation des autorités compétentes pour la mise en œuvre de la loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l'Union ou au droit national constatées au sein d'une entité juridique du secteur privé, M.B. 31 janvier 2023.
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