La CCT n° 161 concernant le droit de demander une forme d'emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres est un fait !
Le droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres est l'un des droits minimums proposés par la directive 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.
De nombreux employeurs et travailleurs se sont longtemps demandé ce qu'on entendait par « conditions de travail plus prévisibles et plus sûres » et quelle procédure il conviendrait d'appliquer dans ce cadre.
La CCT n° 161 relative au droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres apporte des réponses à ces questions.
Champ d'application
À certaines conditions, les travailleurs engagés dans les liens d'un contrat de travail peuvent demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Les travailleurs ayant une relation de travail dans laquelle leur temps de travail prédéterminé et réel est inférieur ou égal à une moyenne de 3 heures par semaine au cours d’une période de référence de 4 semaines consécutives sont exclus de ce droit.
Conditions
Principe
Condition d’ancienneté d'au moins 6 mois
Les travailleurs ayant une ancienneté d’au moins 6 mois auprès du même employeur ont droit à demander à leur employeur une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Le travailleur intérimaire adresse cette demande au bureau d'intérim. L’utilisateur doit faire connaître à l’agence d'intérim les motifs de la réponse par l’agence d'intérim dans les cas où la motivation est obligatoire.
Pour déterminer l’ancienneté, les règles suivantes doivent être appliquées :
- Les périodes d'occupation auprès du même employeur sont additionnées. En cas de contrats à durée déterminée successifs auprès du même employeur, les périodes entre ces différents contrats sont neutralisées pour le calcul de l’ancienneté de 6 mois ;
- Dans le cadre du travail intérimaire, est prise en compte l’ancienneté au sein de l’entreprise de travail intérimaire et chez le même utilisateur ;
- Lorsqu’un travailleur intérimaire est engagé par un utilisateur après la période d’occupation en tant que travailleur intérimaire auprès de ce même utilisateur, les périodes d’occupation en tant que travailleur intérimaire auprès de cet utilisateur sont prises en considération pour le calcul de l’ancienneté ;
- Les périodes d’interruption entre deux périodes d’occupation auprès du même employeur sont neutralisées ;
- Pour les activités d’un travailleur intérimaire, seules les périodes d’occupation qu’il a effectuées dans le cadre d’une mise à disposition par la même entreprise de travail intérimaire auprès du même utilisateur sont prises en considération pour le calcul de son ancienneté ;
- Si, au terme d’une période de mise à disposition auprès d’un utilisateur, un travailleur intérimaire est engagé à titre permanent par cet utilisateur au moyen d’un contrat de travail au sens de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, toutes les périodes d’activité que le travailleur intérimaire a prestées auprès de cet utilisateur doivent être prises en considération pour le calcul de son ancienneté.
Autres conditions
Enfin, une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres doit être disponible.
Pensez notamment dans ce cadre aux éléments suivants :
- Un contrat de travail à durée indéterminée plutôt qu’un contrat de travail à durée déterminée ;
- Un contrat de travail à temps plein plutôt qu’un contrat de travail à temps partiel ;
- Un contrat de travail à temps partiel prévoyant un plus grand nombre d’heures de travail plutôt qu’un contrat de travail à temps partiel prévoyant un moins grand nombre d’heures ;
- Un contrat de travail avec un horaire fixe plutôt qu’un contrat de travail avec un horaire variable ;
- Un contrat de travail intérimaire hebdomadaire ou mensuel plutôt qu’un contrat de travail intérimaire journalier.
C'est donc le travailleur de déterminer ce qui constitue, pour lui, une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Il doit en outre disposer des qualifications et compétences requises et accepter l’horaire et les conditions de rémunération proposés.
Concrétisation dérogatoire
Les « autres conditions » susmentionnées peuvent être concrétisées différemment :
- par la conclusion d’une CCT au niveau du secteur ou de l’entreprise ;
- au niveau de l’entreprise, par un accord conclu en concertation entre l’employeur et la délégation syndicale de l’entreprise ou, en l’absence de délégation syndicale, en concertation entre l’employeur et les travailleurs concernés ;
- d’un commun accord entre l’employeur et son travailleur.
Abstention d’usage abusif des droits
Les droits prévus ne peuvent être utilisés que pour les objectifs visés.
Procédure à appliquer
Demande du travailleur
Délai
Le travailleur doit introduire sa demande par écrit au moins 3 mois avant la date de début souhaité.
Dans les situations suivantes, un délai plus court peut être prévu :
- par la conclusion d’une CCT au niveau du secteur ou de l’entreprise ;
- au niveau de l’entreprise, par un accord conclu en concertation entre l’employeur et la délégation syndicale de l’entreprise ou, en l’absence de délégation syndicale, en concertation entre l’employeur et les travailleurs concernés ;
- d’un commun accord entre l’employeur et son travailleur.
Nombre
La demande ne peut pas être introduite plus d’une fois par période de 12 mois.
Attention : si l’employeur ne répond pas à la demande dans le délai prévu, le travailleur peut réitérer sa demande. La condition d'une demande par période de 12 mois n’est alors pas d'application.
Contenu
Cette demande comprend notamment les éléments suivants :
- Mention de la CCT n° 161 du 27 septembre 2022 relative au droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres ;
- Forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres pour laquelle le travailleur souhaite entrer en ligne de compte ;
- Date de début souhaitée de la forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Forme
La demande doit être effectuée :
- par lettre recommandée ;
- par la remise d'un écrit dont le double est signé par l'employeur au titre d'accusé de réception ;
- par voie électronique moyennant un accusé de réception de l’employeur.
Réponse de l’employeur
L'employeur répond par écrit à la demande dans un délai d’1 mois à compter de la date de la demande.
Un employeur comptant moins de 20 travailleurs répond par écrit à la demande dans un délai de 2 mois à compter de la date de la demande.
Option 1 : acceptation
Le travailleur et l’employeur doivent s’accorder sur les modalités concrètes de la forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres à exercer par le travailleur.
Il convient dans ce cadre d'appliquer les dispositions légales. Pensez notamment dans ce cadre aux règles en matière de durée de travail.
Option 2 : report
L’employeur peut reporter l’exercice par le travailleur d’une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres pour des motifs concrets et justifiables liés au fonctionnement de son entreprise. Pensez notamment aux ressources et à la capacité opérationnelle de l’entreprise. Dans ce cadre, l’employeur tente également de tenir compte au maximum des besoins du travailleur.
L’employeur fournit par écrit au travailleur, dans le délai prévu d’1 mois ou de 2 mois à compter de la date de la demande, les motifs concrets du report de l’exercice par le travailleur d’une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Le travailleur et l’employeur doivent s’accorder sur les modalités concrètes de la forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres à exercer par le travailleur. Il convient dans ce cadre d'appliquer les dispositions légales. Pensez notamment dans ce cadre aux règles en matière de durée de travail.
Attention : le report de l’exercice d’une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres ne peut avoir pour effet de rendre cet exercice impossible.
Option 3 : refus
L’employeur peut refuser la demande. Par cette décision, il tente de garder le contrôle sur le fonctionnement de son entreprise tout en tenant compte au maximum des besoins du travailleur.
L'employeur fournit par écrit au travailleur, dans les délais prescrits d’1 mois ou de 2 mois à compter de la date de la demande, les motifs concrets du refus.
Attention : l’employeur ne doit pas motiver à nouveau son refus si une même demande émane du même travailleur, dont la situation est restée inchangée, et si la motivation de sa réponse concernant la situation du travailleur reste adéquate. L'employeur peut dans ce cas renvoyer à la motivation donnée précédemment.
Option 4 : proposition alternative
Un employeur peut enfin prévoir une contre-proposition motivée, consistant en une autre forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres que celle demandée par le travailleur, ou en une autre période d’exercice de celle-ci.
L'employeur fournit la contre-proposition par écrit au travailleur, dans les délais prescrits d’1 mois ou de 2 mois à compter de la date de la demande.
Le travailleur peut accepter ou refuser la contre-proposition.
Le travailleur et l’employeur doivent s’accorder sur les modalités concrètes de la forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres à exercer par le travailleur. Il convient dans ce cadre d'appliquer les dispositions légales. Pensez notamment dans ce cadre aux règles en matière de durée de travail.
Diverses garanties de l’exercice du droit
Protection contre le traitement défavorable
Principe
L’employeur ne peut adopter aucune mesure défavorable à l’encontre du travailleur qui fait usage du droit de demander une autre forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres, sauf pour des motifs qui sont étrangers à l’exercice de ce droit.
Durée
Cette protection sortit ses effets à partir de la demande écrite du travailleur et cesse 2 mois après le début de l’exercice par le travailleur de la forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres ou 2 mois après le refus de la demande par l’employeur.
En dehors des situations décrites ci-dessus, la protection prend fin 2 mois après la date de début demandée par le travailleur lorsqu’aucune forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres n’est entamée.
Cette protection couvre aussi la période du report éventuel.
Charge de la preuve
Il incombe à l’employeur de prouver que les mesures défavorables étaient fondées sur des motifs qui sont étrangers à l’exercice des droits découlant de la CCT n° 161 relative au droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Situation spécifique : non renouvellement du contrat de travail à durée déterminée
Si un travailleur ayant un contrat de travail à durée déterminée a fait une demande d’une forme souple de travail, le non-renouvellement du contrat de travail pourrait être considéré comme un traitement défavorable pour lequel une indemnité est due.
Il incombe au travailleur de prouver que le non-renouvellement de son contrat de travail est fondé sur des motifs liés à l’exercice de ses droits découlant de la CCT.
Attention ! Le travailleur ne peut pas invoquer le traitement défavorable si le non-renouvellement du contrat de travail est demandé par le travailleur lui-même, ou s’il existe pour cela des motifs qui sont étrangers à l’exercice des droits découlant de la CCT.
Sanction
L’employeur qui prend tout de même la mesure défavorable concernant l’exercice du droit risque une sanction correspondant au minimum à 2 mois de rémunération et au maximum à 3 mois de rémunération.
Cette indemnité ne peut pas être cumulée aux éléments suivants :
- Toute autre indemnité qui est due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail, y compris une indemnité pour abus de licenciement, à l'exception des indemnités suivantes :
-
- Indemnité de préavis ;
- Indemnité de non-concurrence ;
- Indemnité d'éviction ;
- Indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales ;
- Indemnité prévue dans le cadre de la protection spéciale contre le licenciement de la CCT n° 161 relative au droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Protection spéciale contre le licenciement
Principe
L’employeur ne peut pas licencier un travailleur qui introduit une demande d’une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres, sauf pour des motifs qui sont étrangers à l’exercice des droits découlant de la CCT n° 161 relative au droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Durée
Cette protection spéciale contre le licenciement sortit ses effets à partir de la demande écrite du travailleur et cesse 2 mois après le refus de la demande par l’employeur ou 2 mois après le début de l’exercice par le travailleur de la forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Sont également visés dans ce cadre tous préparatifs en vue du licenciement.
La protection contre le licenciement prend fin 2 mois après la date de début demandée par le travailleur lorsqu’aucune forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres n’est entamée.
En dehors des situations susmentionnées, la protection contre le licenciement prend fin 2 mois après la date de début demandée par le travailleur lorsqu’aucune forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres n’est entamée.
La protection contre le licenciement couvre par ailleurs la période du report éventuel.
Charge de la preuve
Il incombe à l’employeur de prouver que le licenciement était fondé sur des motifs qui sont étrangers à l’exercice des droits découlant doit prouver CCT n° 161 relative au droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions plus prévisibles et plus sûres.
Sanction
L’employeur qui enfreint cette disposition est tenu de payer une indemnité correspondant au minimum à 4 mois de rémunération et au maximum à 6 mois de rémunération.
Cette indemnité ne peut pas être cumulée aux éléments suivants :
- Toute autre indemnité qui est due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail, y compris une indemnité pour abus de licenciement, à l'exception des indemnités suivantes :
-
- Indemnité de préavis ;
- Indemnité de non-concurrence ;
- Indemnité d’éviction ;
- Indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales ;
- Indemnité prévue dans le cadre de la protection contre le traitement défavorable prévu dans la CCT n° 161 relative au droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
Entrée en vigueur
Le droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres entre en vigueur le 1er octobre 2022.
Source(s) :
- Convention collective de travail n° 161 du 27 septembre 2021 concernant le droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.
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