Bientôt un trajet de réintégration 2.0
Un arrêté royal récemment publié prévoit des adaptations profondes concernant le trajet de réintégration des travailleurs en incapacité de travail.
Des délais modifiés sont notamment prévus à la demande des partenaires sociaux. Les décisions possibles du conseiller en prévention-médecin du travail sont en outre limitées à 3 au lieu de 5. Lors de la décision finale, l’accent est mis sur l’importance des adaptations du poste de travail et d’un travail adapté ou un autre travail tenant compte du potentiel et de l’état de santé du travailleur.
En dissociant le trajet de réintégration pour les travailleurs inaptes au travail de la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale, le gouvernement entend opter pour une approche positive du traitement des incapacités de travail. Celle-ci se concentre en effet sur la réintégration dans l’entreprise.
Cette dissociation sera d’application à partir de l’entrée en vigueur du futur trajet prévu pour mettre fin au contrat pour force majeure médicale.
Poursuivez votre lecture pour découvrir les grandes lignes des nouvelles mesures.
Prise de contact avec le travailleur en incapacité de travail
Le conseiller en prévention-médecin du travail ou le personnel infirmier informe le travailleur en incapacité de travail, dans les plus brefs délais, concernant les possibilités de reprise du travail. Pensez notamment à la possibilité de demander une visite préalable à la reprise du travail ou d’entamer un trajet de réintégration en vue de faciliter la reprise du travail via des adaptations du poste de travail et/ou un travail adapté ou un autre travail.
L’information du travailleur en incapacité de travail à un stade antérieur vise à stimuler la reprise du travail.
Procédure modifiée de trajet de réintégration des travailleurs en incapacité de travail
La procédure de réintégration des travailleurs en incapacité de travail subit des modifications drastiques à partir du 1er octobre 2022.
Aucune mesure de transition n’est prévue pour les trajets de réintégration en cours. Les nouvelles règles seront donc immédiatement d’application pour les trajets de réintégration en cours.
La dissociation entre le trajet de réintégration et la rupture pour force majeure médicale ne sera d’application qu’à compter de l'entrée en vigueur de la version adaptée de l’article 34 de la loi relative aux contrats de travail.
Contexte
Le trajet de réintégration vise à promouvoir la réintégration d'un travailleur en incapacité de travail qui ne peut pas exercer le travail convenu, en lui proposant :
- soit un travail temporairement adapté ou un autre travail en attendant de pouvoir à nouveau exercer le travail convenu ;
- soit un travail définitivement adapté ou un autre travail si le travailleur est définitivement inapte à exercer le travail convenu.
Initiative de lancement du trajet de réintégration
Le trajet de réintégration d’un malade de longue durée peut débuter à la demande :
- du travailleur pendant l’incapacité de travail ;
- du médecin traitant, moyennant l'autorisation du travailleur ;
- de l’employeur, après une période ininterrompue de 3 mois (auparavant : 4 mois) d'incapacité de travail du travailleur ou dès que le médecin traitant établit une attestation d’incapacité définitive d’exercer le travail convenu.
Remarque : la période susmentionnée de 3 mois est interrompue si le travailleur reprend effectivement le travail, à moins que le travailleur soit à nouveau en incapacité de travail au cours des 14 premiers jours de cette reprise du travail.
Le médecin-conseil de la mutuelle ne dispose plus de la possibilité de démarrer le trajet de réintégration.
Le trajet de réintégration débute le lendemain du jour où le conseiller en prévention-médecin du travail reçoit la demande.
Le conseiller en prévention-médecin du travail informe l’employeur au début du trajet de réintégration émanant du travailleur ou du médecin traitant moyennant l’autorisation du travailleur. Il en informe en outre toujours le médecin-conseil de la mutuelle.
Déroulement du trajet de réintégration
Évaluation de réintégration par le conseiller en prévention-médecin du travail
Entretien avec le travailleur
Le conseiller en prévention-médecin du travail invite le travailleur pour lequel il a reçu une demande de réintégration à une évaluation de réintégration.
Il examine dans ce cadre si le travailleur pourra, à terme (le cas échéant après une adaptation du poste de travail), à nouveau exercer le travail convenu.
Il analyse en outre si une reprise du travail éventuelle est envisageable, en tenant compte de l’état de santé et du potentiel du travailleur.
Il contrôle enfin les conditions et modalités que le travail et/ou le poste de travail doivent remplir pour être adaptés à l’état de santé et au potentiel du travailleur.
Si le travailleur ne réagit pas aux 3 invitations du conseiller en prévention-médecin du travail, avec un intervalle d’au moins 14 jours calendrier entre chaque invitation, le trajet de réintégration prend fin. Le médecin-conseil et l’employeur en seront informés.
Pendant toute la durée du trajet de réintégration, le travailleur peut se faire assister par un représentant des travailleurs au sein du comité ou, à défaut, par un délégué syndical au choix.
Concertation
Moyennant l’autorisation du travailleur, le conseiller en prévention-médecin du travail peut organiser une concertation avec entre autres le médecin traitant du travailleur, le médecin-conseil et le Coordinateur Retour au travail.
Enquête
Le conseiller en prévention-médecin du travail examine dans certaines situations le poste de travail du travailleur pour vérifier s'il existe des possibilités d’adaptation du poste de travail.
Si la problématique de santé est liée aux risques psychosociaux au travail ou à des troubles musculosquelettiques, le conseiller en prévention-médecin du travail peut se faire assister par un conseiller en prévention possédant cette expertise spécifique.
Rapport
Le conseiller en prévention-médecin du travail établit un rapport et le joint au dossier de santé du travailleur.
Décision
Sur le formulaire d’évaluation de réintégration, le conseiller en prévention-médecin du travail détermine dans lequel des 3 scénarios suivants le travailleur se trouve :
- Décision A : possibilité de reprendre le travail convenu à terme, le cas échéant avec une adaptation du poste de travail, et de pouvoir entre-temps effectuer un travail adapté ou un autre travail ;
- Décision B : inaptitude définitive à effectuer le travail convenu, mais possibilité d’effectuer un travail adapté ou un autre travail ;
- Décision C : pour des raisons médicales, impossibilité (pour le moment) de procéder à une évaluation de la réintégration, notamment parce qu’il n’est pas encore clair si le travailleur est temporairement ou définitivement inapte au travail convenu, ou parce que le travailleur doit encore subir un traitement avant de reprendre le travail.
Au plus tard dans un délai de 49 jours calendrier à compter du lendemain du jour où le conseiller en prévention-médecin du travail reçoit la demande de réintégration :
- le conseiller en prévention-médecin du travail transmet sa décision à l’employeur et au travailleur. Le travailleur doit également recevoir une explication des motifs de la décision et de la possibilité, d’introduire un recours contre la constatation de l’inaptitude définitive du travailleur à effectuer le travail convenu ;
- le médecin-conseil est tenu au courant si une décision C a été prise et que le trajet de réintégration est terminé ;
- le formulaire d’évaluation de réintégration est joint au dossier de santé du travailleur.
Établissement d’un plan de réintégration par l’employeur
Situation 1 : Établissement d’un plan de réintégration
L’employeur examine les possibilités concrètes de travail adapté ou d’autre travail et/ou d’adaptations du poste de travail, en tenant compte, dans la mesure du possible, des conditions et modalités déterminées par le conseiller en prévention-médecin du travail, du cadre collectif sur la réintégration et, le cas échéant, du droit à des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées.
Il élabore ensuite le plan de réintégration, en concertation entre autres avec le travailleur et le conseiller en prévention-médecin du travail. Ce plan doit être adapté à l’état de santé et au potentiel du travailleur.
Le plan de réintégration est établi :
- après réception de l’évaluation de réintégration en cas de décision A ;
- après expiration du délai de recours ou après réception du résultat de la procédure de recours dans le cadre de laquelle la décision du conseiller en prévention-médecin du travail est confirmée, en cas de décision B.
Dans le plan de réintégration, il est entre autres possible de prévoir des aménagements raisonnables du poste de travail et notamment une adaptation des machines et équipements et/ou la mise à disposition d’outils appropriés.
L’employeur remet le plan de réintégration au travailleur et lui fournit les explications nécessaires dans un délai d’au maximum :
- 63 jours calendrier prenant cours le lendemain du jour où il reçoit la décision A ;
- 6 mois prenant cours le lendemain du jour où il reçoit la décision B.
Accord du travailleur ou non sur le plan de réintégration
Le travailleur dispose d’un délai de 14 jours calendrier prenant cours le lendemain du jour où il reçoit le plan de réintégration pour marquer son accord ou non et le retourner à l’employeur.
Si le travailleur accepte le plan de réintégration, il le signe pour accord.
Le travailleur qui refuse le plan de réintégration doit mentionner les raisons de son refus.
Si le travailleur ne réagit pas dans le délai imparti, l’employeur doit le contacter. Toute nouvelle absence de réaction du travailleur sera considérée comme un refus du plan de réintégration.
L’employeur transmet un exemplaire du plan de réintégration au travailleur et au conseiller en prévention-médecin du travail et le tient à la disposition de l’inspection. Le conseiller en prévention-médecin du travail transmet le plan définitif ou le rapport de motivation au médecin-conseil de la mutuelle. Ces éléments sont ajoutés au dossier de santé du travailleur.
Situation 2 : Pas de plan de réintégration
Après concertation et examen des possibilités concrètes de travail adapté ou d’autre travail et d’adaptations du poste de travail, un employeur peut décider de ne pas établir de plan de réintégration.
Il doit alors établir un rapport motivé dans lequel il explique pourquoi cela est techniquement ou objectivement impossible, ou que cela ne peut pas être exigé pour des motifs dûment justifiés. Il doit en outre ressortir du rapport que les possibilités d’adaptation du poste de travail et/ou de travail adapté ou d’autre travail ont été sérieusement considérées.
Ce rapport doit être remis au travailleur et au conseiller en prévention-médecin du travail dans un délai d’au maximum :
- 63 jours calendrier prenant cours le lendemain du jour où il reçoit la décision A ;
- 6 mois prenant cours le lendemain du jour où il reçoit la décision B.
Le rapport doit être tenu à la disposition des fonctionnaires chargés de la surveillance.
Délai de recours du travailleur
Un travailleur qui n’est pas d’accord avec la constatation de son incapacité définitive à exercer le travail convenu peut introduire un recours.
À compter du 1er octobre 2022, le délai de recours est de 21 jours calendrier prenant cours le lendemain du jour de la réception de la constatation de l’incapacité définitive à exercer le travail convenu.
Le recours doit être envoyé par recommandé au médecin inspecteur social compétent de la direction générale CBE et à l’employeur.
Fin du trajet de réintégration
Le trajet de réintégration prend fin aux moments suivants :
- L’employeur est informé par le conseiller en prévention-médecin du travail que le travailleur n’a pas donné suite aux 3 invitations du conseiller en prévention-médecin du travail, avec un intervalle de 14 jours calendrier entre chaque invitation, les dates et la forme de l’invitation étant mentionnées ;
- L’employeur a reçu du conseiller en prévention-médecin du travail un formulaire d’évaluation de réintégration avec une décision C ;
- Le rapport motivé indiquant pourquoi aucun plan de réintégration n’a été établi a été transmis au conseiller en prévention-médecin du travail et au travailleur ;
- Le plan de réintégration a été refusé par le travailleur et ce refus a été transmis au conseiller en prévention-médecin du travail ;
- Le plan de réintégration a été accepté par le travailleur et transmis au conseiller en prévention-médecin du travail et au travailleur.
Le conseiller en prévention-médecin du travail informe le médecin-conseil de la fin du trajet de réintégration et de son motif.
La fin d’un trajet de réintégration ne porte pas préjudice à la possibilité de démarrer un nouveau trajet de réintégration dans le futur.
Remarque : les règles mentionnées ci-dessus concernant la fin du trajet de réintégration entreront en vigueur le même jour que la loi portant des dispositions diverses relatives à l’incapacité de travail qui modifie l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
Renforcement du caractère collectif du trajet de réintégration
Dans la mesure où la réintégration a plus de chances de réussir si elle s'inscrit dans un cadre collectif plus large au niveau de l'entreprise, une nouvelle obligation est prévue.
L’employeur devra se concerter régulièrement avec le comité au sujet des possibilités, au niveau collectif, de travail adapté ou d’autre travail et des mesures pour adapter les postes de travail.
Le conseiller en prévention-médecin du travail établira chaque année, à l'attention de l'employeur et du comité, un rapport qualitatif et quantitatif reprenant certaines mentions obligatoires.
L’employeur transmettra chaque année au comité les éléments anonymisés et globalisés provenant des plans de réintégration et des rapports motivés établis, tout en veillant à ce que les travailleurs individuels ne puissent pas être identifiés.
Sur base du rapport du conseiller en prévention-médecin du travail et de l’information de l’employeur, ainsi que sur base d’autres éléments pertinents, la politique collective de réintégration, ainsi que les possibilités, au niveau collectif, de travail adapté ou d’autre travail, et de mesures pour adapter les postes de travail, sont régulièrement, et au moins une fois par an, évaluées, en présence du conseiller en prévention-médecin du travail et, le cas échéant, des autres conseillers en prévention compétents.
Si nécessaire, la politique collective de réintégration sera adaptée et/ou des propositions seront formulées pour améliorer la politique de bien-être en général.
Source(s) :
- Arrêté royal du 11 septembre 2022 modifiant le code du bien-être au travail concernant le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité de travail, M.B. 20 septembre 2022 ;
- Projet de loi du 14 septembre 2022 portant des dispositions diverses relatives à l'incapacité de travail (DOC 55 2875/001) ;
- Article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
Partager sur des médias sociaux :